Cet article de 2009 n’est que très partiellement réactualisé et témoigne encore d’un petit excès d’optimisme, mais il est déjà instructif !
Nous nous proposons ici de faire le point sur les charges d’un capitaine déclaré travaillant en Entreprise Individuelle. Le tableau auquel il est fait référence, datant lui aussi de 2009, dans lequel donc les coûts de recyclage sont très inférieurs à ce qu'ils sont devenus, figure à la page du site gskip.org suivante : http://www.gskip.org/spip/spip.php?article52
Pour plus de clarté, nous avons ramené les coûts sur une journée. La notion de journée facturée est imposée par la spécificité de notre métier, qui implique que nous ne travaillons pas comme des salariés embauchés au mois ou en CDI.
Nous travaillons surtout en indépendant à la mission sans contrat de longue durée avec un employeur particulier et sommes tributaires du travail saisonnier, donc nous devons répercuter nos dépenses sur un calcul de marge annuelle dans la facturation de nos prestations.
Rappelons qu’un marin n’a de couverture sociale à terre, que s’il est embarqué (et donc cotise) 200 jours par an minimum. Il ouvre cependant ses droits pour un an en cotisant 50 jours dans un trimestre. Ajoutons que les spécificités de nos métiers ajoutées à une fraude généralisée de personnes sans titres du tout ou sans titres valides, ou encore intervenant en travail dissimulé créent une concurrence déloyale qui rend très invraisemblable des navigations de 200 jours par an, la majorité n’arrivant pas à atteindre 70 jours...
Les hypothèses appliquées dans cette simulation sont expliquées dans le fichier joint en page http://www.gskip.org/spip/spip.php?article52 (qui n’a pas été remis à jour).
Accessoirement, remarquons que le revenu d’un marin embarqué 200 jours dépasserait le plafond de 32000€/an et ne pourrait donc pas être en régime fiscal "Micro". Mais cela n’arrive que de façon rarissime... Selon ces simulations, le total minimum des charges et frais fixes pour un capitaine indépendant qui facture 100 jours d’embarquement est donc de 123 € par jour.
Certains employeurs proposent de payer aux capitaines des journées de travail à un tarif de 180 € Brut. Il reste donc à ceux-ci, une marge de 5700 € pour vivre une année entière ! Moins de 500 € par mois ! C’est peu réaliste. Il serait temps que nous réfléchissions à la pérennité de notre métier. Les skippers (terme sans signification juridique) soi-disant professionnels, qui acceptent de travailler pour 180€ ne sont manifestement pas déclarés, travaillent sans assurances ni couverture sociale, et ne devraient pas rester longtemps sur le marché (s’ils avaient la tête sur les épaules). Et leurs employeurs (au sens large) le savent. Remarquons que celui qui facture 100 jours par an à 240 euros au régime micro BIC ne gagne, charges déduites que 11 700 € annuels... pas de quoi pavoiser !
COUTS INEVITABLES (2013)
Les formations initiales pour ceux qui étaient déjà professionnels PPV à leur compte et n’ont eu droit à aucun financement.
- Les déplacements d’un navire à un autre, de son domicile au lieu de départ,...
- Tous les 5 ans : CRO ou CGO se revalident,
- Techniques de survie, lutte contre l’incendie, formations médicales de niveau 2 ou niveau 3 se recyclent : les formations doivent être subies quasi intégralement, avec des coûts pédagogiques, de déplacements et hébergement non négligeables atteignant en cumul facilement 4000 euros pour qui n’est pas domicilié à côté des centres de formation, sans compter le manque à gagner.
- L’assurance RC professionnelle, plus que fortement conseillée ;
- L’équipement minimal : un téléphone portable et son abonnement, une ligne fixe et Internet, au moins un ordinateur, une imprimante et ses consommables, des vêtements "techniques" qui s’usent plus vite qu’en "plaisance",
- une balise au moins PLB,
- une VHF portable,
- un téléphone satellite et ses communications,
- équipements de tracking en convoyage...
- GPS portable,
- logiciel de cartographie...
- Ces matériels se remplacent, s’usent, ont des coûts de révision, de changement de batteries, d’abonnement...
A titre de comparaison, un smicard salarié, sans formation ni responsabilités (par exemple une femme de ménage), ni coûts de matériel, revalidation et de recyclage de ses certificats (ou alors payés par son employeur), travaillant :
a) 10 heures par jour, ce qui est le minimum dans la réalité
b) 7 jours sur 7 dimanche compris
c) en CDD
d) sans heures de nuit ni travail les jours fériés
e) sans application d’une convention collective.
Cette personne coûte à son employeur (salaires + heures supplémentaires avec majorations à divers taux + repos compensateurs d’une entreprise de moins de 50 salariés + dimanche payé + prime de précarité 10% + congés payés 10 % + charges salariales et patronales) 240 euros par jour (pas encore actualisé aux SMIC 2014). Son employeur doit appliquer une marge commerciale s’il ne veut pas fermer rapidement boutique et est soumis à TVA. Soit 240 + marge ici choisie faible 15 % + TVA 20 % = 331, 20 euros TTC par jour. Attention, il s’agit d’un prix de vente TTC, et en aucun cas d’un salaire, ni même de la rémunération d’un non salarié, mais il s'agit bien d'un calcul a minima.
Le salarié aurait, en pareil cas, un salaire net hors indemnités d’environ 188 €/jour. Réalisez bien que dans ce décompte, il ne lui est payé ni heures de nuit, ni jour férié travaillé, ni aucune indemnité. Les clients qui trouvent cela cher devraient se dire que cela est bien moins cher que ce que leur coûtent bon nombre de gens auxquels ils s’adressent quotidiennement, qu’eux-mêmes gagnent généralement beaucoup plus, qu’ils partagent généralement ce prix en plusieurs personnes et qu’enfin, s’ils persistent, ils n’ont peut-être tout simplement pas les moyens de monter à bord ? Ceci fera bien rire ceux qui sont du métier, jaune du côté des capitaines et armateurs vertueux, à gorge déployée du côté des fraudeurs, en attendant qu’ils aient un accident grave ou qu’ils se fassent coincer... Et là, quand il s’agit de pseudo armateurs, non seulement l’UNAPPRO ne les aidera pas, mais éventuellement se portera partie civile contre eux.
Quant aux capitaines salariés victimes d’emploi en travail dissimulé (ce qui, en droit, débute à la première heure non payée), rappelons leur que non seulement ils ne sont pas complices, mais que de surcroît, ils sont victimes avec des possibilités de recours.
Les rêveurs qui veulent venir à ces métiers doivent aussi savoir que la réalité est bien en dessous de ces chiffres et qu’elle ne s’applique que pour une toute partie de l’année.
Ajoutons qu’en tant qu’armateur, à l’heure où les fonctionnaires viennent de se voir supprimer les jours de carence maladie et accident (ce qui facilitera l’absentéisme de certains), les armateurs supportent 30 jours de carence maladie, accident, rapatriement et même frais funéraires, ajoutés au complément de salaire du au salarié. 30 jours, il n’y a pas de faute de frappe et vous avez bien lu.
Les armateurs responsables s’assurent donc pour couvrir ce risque, pour des montants atteignant 12 euros par jour, et qu’ils doivent 1/2 journée travaillée par déplacement ainsi que les frais de déplacement hébergement restauration.
Ils doivent aussi supporter les frais d’une caution déposée à l’ENIM, sortie de leur trésorerie et non rémunérée, ou cautionnée contre frais non négligeables par une banque. Tout le monde est capable de comprendre, sans calculette, qu’un loueur facturant les services d’un capitaine 240 euros par jour ne peut proposer que soit des débutants non expérimentés, soit une personne qui ne sera pas en règle (non brevetée, pas à jour, pas assurée, en travail dissimulé...ou tout à la fois)...A moins que le capitaine ne travaille que quelques heures par jour et pas le dimanche, et que le loueur travaille sans marge (ce qui pour le coup est fréquent), et que de toute façon, le capitaine ne comptabilise pas toutes ses charges.
Voyez aussi l’article sur l’accompagnement pour comprendre comment une grande majorité des loueurs se transforment en armateur sans en avoir la qualité ni en respecter les bonnes pratiques, à commencer par l’armement du navire. On est vraiment bien loin du slogan stupide du site et des plaquettes de l’enseignement maritime "Les métiers de la plaisance, Escales de rêve, paysages sublimes" et qui de surcroit parle de rémunérations mirobolantes sans préciser s’il s’agit de brut ou de net, ni même que cette rémunération n’existera qu’une petite partie de l’année... Le même site oublie de dire que si vous ne parlez pas anglais et si possible une autre langue, n’êtes ni véritablement technicien par goût, ni gestionnaire, ne présentez pas bien, tout en ayant une culture générale suffisante pour plaire à vos clients, vous aurez perdu d’avance...
Le métier de capitaine est difficile. Ce n’est pas, comme certains veulent croire, un job d’été pour étudiants ou salariés en vacance. Les responsabilités sont celles cumulées de capitaine, de chef d’entreprise et bien souvent d’armateur. Le fait de travailler dans le tourisme et dans la plaisance n’est pas synonyme de farniente. Que celui qui travaille sans passion et cherche uniquement "l’appât du gain" se méfie : il ne doit pas oublier les nombreuses heures passées à travailler de jour comme de nuit, sans pauses ni week-ends.
Notre rémunération ramenée au taux horaire est un des plus bas du marché. Et les jours embarqués ne sont pas les seuls que nous passons à travailler (transports, formations, recherche d’embarquement…). Rappelons que le SMIC mensuel brut est actuellement (en 2013) de 1 430,22 € pour 35 heures de travail hebdomadaire.
Rappelons que le brut est encore amputé des cotisations sociales salariales et qu’il devient donc 1 121,71 €. Sans formation, sans responsabilités, sans « éducation » ; un MINIMUM ! Combien de capitaines gagnent autant en moyenne à l’année ?
Fin de l’actualisation 2013
Quel revenu décent est-on en droit d’attendre de notre métier ? En regardant autour de nous, nous avons par exemple le salaire brut (2009) :
• D’un garagiste : 80€ * 7 heures = 560 € / jour.
• D’un guide de haute montagne = 240 à 300 € / jour
• D’un technicien free-lance en micro-informatique / Réseau = 270 € / jour
• D’une secrétaire bilingue = 200 € /jour
Chaque métier a ses spécificités et ne peut être comparé simplement. Mais cela donne un ordre d’idée. Chacun est libre et les marins plus que d’autres ! Mais travailler à perte n’est pas le but recherché par de vrais professionnels, quels qu’ils soient. Vous voulez vous "reconvertir", généralement aux frais du contribuable qui vous paiera sans qu’on lui demande son avis, via les régions, pôles emploi, FONGECIF, etc... ?
Réfléchissez bien : Vous gagniez bien mieux votre vie avant, pour un travail beaucoup moins contraignant et beaucoup moins difficile. Vous aviez des difficultés à trouver un job ? Ce sera infiniment plus difficile encore dans