LITIGES MARIN-ARMATEUR
Ce qui reste de la compétence des tribunaux de commerce est limité aux litiges commerciaux entre entreprises. Les tribunaux de commerce n'ont plus compétence pour juger des litiges entre capitaine salarié et armateur.
LITIGES COMMERCIAUX
Attention cepentant, les tribunaux de commerce gardent leur compétence entre entreprises, par exemple entre l'entreprise individuelle d'un capitaine, en litige commercial avec une entreprise cliente, qui peut être un armateur, ou un fournisseur. Les entreprises "coquilles juridiques" d'un "propriétaire" qui n'est de fait que gérant d'une EURL ou SARL sont aussi soumises à ce régime de professionnels "entre pairs", avec faculté d'appel... plus tard...
C'est aussi le TC qui reste compétent entre un armateur et un marin à son compte à qui il a sous-traité une prestation. L'armateur conserve son obligation de vérification du marin : il risque des condamnations pénales pour défaut de qualification et aptitude des marins, et en tant qu'entreprise donneuse d'ordre, il doit vérifier l'existence de l'entreprise du marin, la tenue en règle de ses déclarations sociales et fiscales sinonle donneur d'ordre (le client) devient solidiaire des fraudes éventuelles et peut à la fois devoir payer les montants que l'indépendant devrait, supporter une amende pour non vérification et possiblement la requalification en contrat de travail du contrat commercial passé avec le marin sous traitant. Il risque aussi, s'il est particulièrement peu précautionneux (absence de contrat commercial fait par le marin, obligatoire depuis 2019) de se faire attaquer et condamner pour travail dissimulé (peines cataclysmiques et condamnations civiles potentiellement lourdes).
En revanche, les litiges entre un client particulier (exp : propriétaire particulier d'un navire de plaisance à usage personnel) et une entreprise (un marin indépendant ou une ETM, voire tout autre fournisseur) relèvent de la justice "ordinaire" selon la qualification du litige et son montant. Avec forte présomption que le client particulier soit victime du professionnel, d'où l'extrême importance du contrat commercial, TOUJOURS établi par le professionnel, qui doit informer, voire conseiller, très en détail le client. Cependant, tout particulier a l'obligation, souvent ignorée, de vérifier qu'il s'adresse bien a une véritable entreprise, même individuelle, sauf à se voir requalifié en employeur avec toutes les obligations qui en découlent en droit social (y compris les sanctions pénales lourdes pour travail dissimulé) et la perte de tout recours contre des marins dont il serait devenu l'employeur de fait, et qu'il aurait mal recruté, d'où l'existence de dommages objets du litige.
Ces derniers points étaient une bonne transition vers le règlement des litiges entre marins salariés et armateurs qui les emploient.
LITIGES DE DROIT SOCIAL ENTRE MARINS SALARIES ET ARMATEUR EMPLOYEUR
Deux cas selon le pavillon du navire, son port d'attache et le lieu de résidence des marins. Ce qui suit touche très rapidement les conditions de concurrence loyales ou non entre entreprises.
SOUS PAVILLON FRANÇAIS
La compétence du tribunal de commerce a disparu. Le litige qui oppose un capitaine à son employeur relève du Tribunal d'Instance. La Cour se réfèrait à l'article R. 221-13 du Code de l'Organisation Judiciaire. Cour de cassation, chambre sociale, 12 février 2014 - pourvoi n° 13-10.643, confirman la compétence du Tribunal d'Instance, déjà inscrite dans le code des transports, concernant les litiges de travail maritime intervenant sous pavillon français.
Un décret de 2015 le confirmait de façon un peu superflue. Le code des transports, par la loi du 24 déc 2019, a ajouté les capitaines dans l'obligation de conciliation qui préexistait pout tout marin. Le code de l'organisation judiciaire mentionne maintenant explicitement cette obligation de conciliation préalable devant l'autorité maritime et de compétence des tribinuaux d'instance - dans l'espoir probable d'éviter les allers et retours permettant de prolonger les procédures, entre conseils de prud'hommes - sans compétence aucune pour le pavillon français - et conciliation, et tribunal d'instance. Avant de faire affirmer qui était compétent (les txts sont pourtant très clairs), il se passait plusieurs années d'encombrement judiciaire et d'honoraires d'avocats qui jouaient la montre...
L'article L5542-48 du Code des Transports est clair :
"Tout différend qui peut s'élever à l'occasion de la formation, de l'exécution ou de la rupture d'un contrat de travail entre l'employeur et le marin est porté devant le juge judiciaire. Cette instance est précédée d'une tentative de conciliation devant l'autorité compétente de l'Etat.
Lors de la conciliation, lorsque le litige porte sur la rupture du contrat, l'employeur et le marin peuvent convenir, ou l'autorité compétente de l'Etat proposer, d'y mettre un terme par accord. Cet accord prévoit le versement par l'employeur au marin d'une indemnité forfaitaire, dans les conditions et selon le barème prévus aux deux premiers alinéas de l'article L. 1235-1 du code du travail.
L'accusé de réception de la demande aux fins de tentative de conciliation interrompt la prescription ainsi que les délais pour agir.
Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat."
Cette obligation est applicable sous tout pavillon français y compris le RIF pour les navires ayant port d'attache en France ET les marins résidant en France (quelle que soit leur nationalité) à qui s'applique aussi l'intégralité du droit social des marins.
Si la durée du contrat s’exécute majoritairement en eaux internationales sous pavillon français, c’est le droit français qui s’applique. S’il s’exécute majoritairement dans les eaux d’un autre état, quel que soit le pavillon, c’est le droit le plus avantageux pour le marin qui s’applique (peut être plus avantageux dans certains états d’UE).
RIF pour les marins ne résidant pas en France ou le navire qui n'y a pas port d'attache
Seul le droit social applicable au RIF est applicable, moins avantageux pour les marins qu'en France. C'est une partie du code des transports.
PAVILLONS ETRANGERS
SOUS PAVILLON ETRANGER EN EAUX FRANCAISES : PRUD’HOMMES
L'arrêt du 12 février 2014 ne concerne pas ce domaine international du contentieux du travail maritime où la compétence prud'homale reste car la France ne peut pas directement juger en droit des pavillons étrangers. Mais l'autonomie du contrat de travail est arbitrée par les conseils de prud'hommes. Possibilité d'appel qui peut devenir complexe : on appliquera en France un contrat étranger par voie judiciaire...
Depuis la loi française dite "de l'état d'accueil", consolidée dans le code des transports,et les directives et règlements CE dont elle est issue (donc applicables dans toutes les eaux d'UE), seuls deux points priment :
- port d'attache (et pas d'immatriculation) du navire et temps passé dans
les eaux de l'état
- pays de résidence (pas de nationalité) des membres d'équipage
Ainsi, un équipage résident d’un état d’UE (mais de n'importe quelle nationalité) embarqué sous n'importe quel pavillon mais circulant majoritairement dans les eaux de cet état d'UE se voit appliquer le droit de cet état dit "d'accueil". C'est une part du code des transports qui lui est consacrée, qui aurait pu inscrire "en eaux françaises" à la place de "l'état d'accueil" qui précisément est la France, seul état où le droit et la justice français ont compétence...
Lorsque ces eaux et pays de résidence sont la France, les conseils de Prud’hommes jugent, avec possibilité d’appel au tribunal d’instance.
Dans tous les cas, quel que soit le pavillon, la saisie du navire, en garantie du paiement des salaires, ou la menace de la pratiquer, sont devenues presque banales et écourtent singulièrement les procédures lorsque l'abus de celui qui a endossé la responsabilité d'un armateur l'a fait sans en mesurer toute la portée et a traité les marins à la légère.
Les jurisprudences françaises, hollandaises et belges avaient déjà devancé ces textes en condamnant des armateurs établis hors d’UE et en UE, mais sous pavillon étranger (intra ou extra communautaires, de l'état de l'armateur ou non) mais employant des résidents dans ces pays d'UE sur des navires qui y avaient port d'attache.
Sans distinction ni du pavillon, ni du pays d’établissement de l’armateur, ni de la nationalité des résidents, plus particulièrement en matière de rupture du contrat et d'indemnités, et se basant sur le fait que la rupture donne lieu à indemnisation par les organismes sociaux de l’état de résidence alors que les armateurs se soustraient à la loi nationale, les indemnités de rupture et rappels de cotisation sont dus, pouvant aussi conduire au financement, après rupture, de recyclages et revalidation de qualifications aux frais de l’armateur (même un particulier).
Ainsi, tout se passe "presque" comme si un navire était un établissement national d’une entreprise internationale: L’établissement doit respecter le droit national.
Le pavillon du navire n'a plus aucune incidence sur le droit applicable, à la seule exception de la caractérisation du type de navire et de son armement, qui relèvent toujours de l’état du pavillon, et des inspections qu’il pratique.
On notera que a minima, le contenu de la MLC (convention du travail maritime) de l'OIT (totalement intégré au droit français sous le nom de CTM, à la virgule, et ayant "une auttorité supérieure à celle des lois") s'applique dans le monde entier, même pour les navires sous pavillon non signataire (et il y en a très peu). Les très rares exceptions d'états, très tiers-mondistes et isolés, ne peuvent appliquer un droit moins avantageux que dans leurs seules eaux territoriales.
DONC
A) La protection sociale n'est pas une option mais une obligation pour l'armateur. Elle doit être soit :
- de l'état où le navire passe la majorité de son temps, ou
- de l'état du pavillon si et seulement si le navire est dans son état d’immatriculation ou est en eaux internationales ou non européennes la majorité de son temps.
- souscrite aux frais partagés de l'armateur et du salarié (en proportions équivalentes à celles pratiquées dans l'état) auprès d'assurances privées si l’état l’admet. Par exemple, l'assurance chômage et vieillesse sont dues en France. Les assurances privées assurant le chômage et la vieillesse sont plus que rares...
Dans le cas de navires ayant un port d'attache français et navigant en eaux françaises la majorité du temps, c'est donc un détachement de l'ENIM qu'il faut prévoir, car c'est le plein droit de l'état d'accueil qui s'applique...ici la France. La logique du détachement est même discutable, puisqu’il s’agit d’interventions sur le territoire national (mais c’est un débat qu’il est difficile de tenir avec notre bureaucratie…)
Toutefois, les brevets, seulement STCW et à à l'exclusion des seuls "certificats" doivent être reconnus par l'état du pavillon (épreuve de langue et de droit du pays). Ici aussi, il y aurait matière à discussion sur les navires ne quittant quasiment jamais les eaux françaises...
B) La MLC-CTM impose au moins la double rédaction des contrats dans la langue du pavillon et en anglais. Mais toute référence au droit anglais ne se justifierait que dans le seul cas où le navire passerait la majeure partie du contrat en eaux anglaises, sinon elle fait partie des clauses non écrites (non recevables), sauf pour leur partie la plus avantageuse pour les marins...
Le droit français impose une rédaction en français. Si le navire est basé en France et passe la majorité de son temps en France, le contrat doit être écrit en Français.
Un contrat absent dans la langue du pavillon permet, si un doute pouvait subsister, de savoir que le pavillon n’a qu’un motif d’optimisation fiscale, et que vraisemblablement l’armateur ignore tout ou partie du droit maritime.
Il convient de vérifier qu'il s'agit bien en anglais d'un contrat d'engagement maritime, certains armateurs escrocs ayant rédigé des contrats de propriété intellectuelle (au moins ces cas sont connus) qui une fois traduits ne permettent pas de se défendre car ne mentionnant aucun engagement maritime !... D'autres ne permettent pas d'identifier s'il s'agit de contrats de travail ou de contrats commerciaux (certaines sociétés écran seychelloises d'escrocs français, pire d'autres états et rédigés en anglais : Contrats supposés de travail par le marin, dont certains ont été requalifiés en contrat commercial par la cour de cassation). Il est donc critique d'examiner avec précision le contenu d'un contrat supposé de travail, et en cas de doute, d'imposer son propre contrat commercial d'entreprise avec tous paiements (prestation et frais) entièrement exigibles d'avance ou d'oublier un client qui n'est que quelqu'un fermement déterminé à ne jamais payer ses factures. Pour un marin salarié qui est presque certain de se faire escroquer en pareille situation de doute, il ne faut simplement "pas y aller".
LE DROIT NE FAIT PAS TOUT ET ARRIVE BIEN TARD
Que vous soyez armateur, marin salarié, marin à son compte (et en règle, nous ne parlons jamais ici des "free lance" comme se nomment nombre de guignols) un contrat ne peut pas contenir n’importe quoi.
MAIS ATTENTION: le droit ne prévoit pas tout, donc cette part non prévue est supposée figurer dans le contrat d’engagement maritime, qui est un contrat de travail cadré mais aussi accord entre parties. Il convient donc de n’écrire, ni de signer à la légère car l’engagement est réciproque et sera applicable pour toute sa part conforme au droit, qui reste vaste.
D’un bord comme de l’autre, en cas de litige, il ne sera réglé que s’il est examiné, donc donnant lieu à discussion voire procédure. Les cas d’armateurs ayant renoncé à se défendre existent, ils ont finalement été contraints de le faire dans l’urgence alors qu’une procédure qu’ils auraient engagé à temps leur aurait économisé bien du souci. Il en va de même pour les salariés…
Qu’il s’agisse d’un engagement maritime (contrat de travail) ou d’un contrat commercial (non défendable en droit social).
Tout ceci suppose donc de bien lire le contrat en détail et a priori de ne signer que ce avec quoi on est d'accord, sachant que des clauses illégales sont bien contre la loi !
Mais ces clauses, qui sont donc «non-écrites» peuvent souvent être signées puisqu’elles n’engagent à rien! Il n’est pas utile de perdre un contrat à cause d’elles.
Par exemple les clauses précisant qu'il est interdit de signaler des actes délictueux commis à bord, sous couvert de confidentialité, sont illégales : c'est ne pas signaler ces actes qui est délictueux et rend complice. Un équipage n’est en aucun cas astreint au secret professionnel et ne pourra en aucun cas se retrancher derrière celui-ci pour éluder une complicité. Dans le cas d’un capitaine, cette complicité est aggravée.
Donc, il est possible de signer cette clause, sans jamais la respecter si jamais elle devait entrer en action, puisque la loi oblige à son non respect. Il est alors prudent de prendre par avance quelques précautions pour sa propre protection…