Forme sociale des entreprises

Les marins et armateurs sont prestataires de services, dits "commerçants" dans le code de commerce, donc inscrits en CCI. Ils s'inscrivent au RCS et sont identifiés par un n° de SIRET. Les formes sociales des entreprises des marins et armateurs sont les suivantes, toujours avec rôle ouvert à l'ENIM.

Entrepreneurs individuels

"Indépendants", autrement nommés TNS (travailleurs non-salariés). Leur entreprise n'est pas une société, et n'est pas personne morale. Leur comptabilité est très simple. Les options fiscales sont les plus ouvertes (Micro BIC, Réel simplifié, Réel). Nombre de marins ayant choisi cette forme sociale ont aussi choisi l'option fiscale du Micro BIC et ne sont pas assujettis à la TVA en échange d'une imposition calculée forfaitairement sur une assiette de 50% de leur chiffre d'affaires (dans une limite annuelle de leur chiffre d'affaires révisée régulièrement. En novembre 2020 : 70 000 euros). 

Entrepreneurs individuels "simples" (EI)
Leur patrimoine personnel est confondu avec celui de leur entreprise et ne bénéficie pas de la protection de la limite de responsabilité. 

Entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL)
Cette forme sociale ne doit pas être confondue avec l'EURL, qui a personnalité morale, alors que l'EIRL reste une entrepris individuelle. 
Toutefois, le patrimoine personnel n'est plus confondu avec celui de l'entreprise sous réserve de l'identification très claire du patrimoine exclusivement dédié à l'exploitation de l'entreprise. Son évaluation peut être faite soi-même en dessous de 30 000 € (pas besoin de notaire). Seul ce patrimoine d'exploitation peut être appelé en garantie de l'exercice de l'entreprise (sinistre, dettes,…). Sauf dans les cas frauduleux, le patrimoine personnel bénéficie de la protection que donne la limite de responsabilité. La définition précise de ce patrimoine interdit de fait son usage personnel même partiellement, car la "cloison étanche" que crée la "R L" cesse précisément d'être étanche par le fait que la définition cesse d'être claire.
Certains marins EI ou EIRL alternent exercice à leur compte et salariat.

Marins sans navire
Ils interviennent sur les divers navires de leurs clients (propriétaires, locataires) et sont leur propre armateur mais sans être, par défaut, l'armateur du navire :

  • Capitaines en commandement de navires de plaisance en navigation non-commerciale, ou en convoyage (c'est une navigation commerciale), plus rarement intervenant sur des NUC dont ils ne sont pas propriétaire (en navigation commerciale donc). En convoyage (déplacement par conduite d'un navire vide), sauf exception expresse contractuelle, le capitaine est armateur de fait du navire.
  • Matelots dont les clients n'ont pas besoin d'un capitaine ou qui ont déjà recours aux services d'un capitaine. En convoyage, ils interviennent sous les ordres d'un capitaine (qui vérifie aussi la régularité de leurs qualifications et de leur état déclaratif). Ils figurent sur la liste d'équipage, mais facturent généralement séparément le même client que le capitaine. 
  • Un mécanicien peut intervenir de même mais sa clientèle est différente.

Marins avec un navire 
Généralement capitaines en commandement de leur navire (NUC ou de charge) dont ils sont l'armateur, et généralement propriétaire. Pour raisons à la fois de cotisations sociales, fiscales et de simplicité de leur comptabilité, l'EI ou l'EIRL sont les meilleures formes sociales d'entreprise pour les armateurs embarqués seuls propriétaires de leur navire. Les capitaines-armateurs salariant d'autres marins doivent au moins choisir l'EIRL et peuvent trouver intérêt à une exploitation en société (EURL, SARL,...voir paragraphes suivants). Pour l'anecdote, il existe des matelots propriétaires armateur de leur navire qui emploient un capitaine salarié sous les ordres duquel ils se placent à bord. Ceci renverse nombre d'idées simplistes sur le lien de subordination du salarié face à son employeur. Le lien de subordination d'un capitaine salarié avec son armateur n'est essentiellement qu'économique. 

Sociétés personnes morales (EURL, SARL,...)

La personnalité morale signifie essentiellement que l'entreprise est une personne distincte des personnes physiques qui y participent et que le patrimoine personnel des associés est automatiquement isolé de celui de la société. Le risque des associés est strictement limité aux sommes qu'ils ont engagées en capital social (ou en compte courant d'associé). Le patrimoine personnel du gérant (pas systématiquement associé) peut être engagé s'il a commis des fautes (de gestion, d'exploitation, violation des statuts, fautes pénales…). En l'absence de faute, son patrimoine a la même protection que celle des associés, et même supérieure s'il est que gérant non associé. Une EURL est un cas particulier de SARL à associé unique (qui en est ou pas le gérant). EURL et SARL sont à capital "fermé" : L'entrée de tout nouvel associé est soumis aux conditions fixées dans les statuts. 
En contrepartie, une comptabilité plus complète est légalement obligatoire et l'option fiscale du micro BIC est impossible, les sociétés étant systématiquement assujetties à la TVA (au régime réel simplifié ou réel). Injustifiées pour les marins exerçant seuls (sans ou avec un navire), ces formes sociales sont recommandées aux armateurs de plusieurs navires (voire avec un seul navire mais employant des salariés), à qui rien n'interdit d'exercer en EI ou EIRL mais ceci peut se révéler financièrement risqué. 

Armateurs d'un ou plusieurs navires
La constitution du capital social nécessaire peut à elle seule justifier le recours à une forme sociale avec plusieurs associés, ne nécessitant plus d'emprunt bancaire, ou diminuant le montant qui doit être emprunté. D'autres raisons, selon les cas, peuvent intervenir dans le choix d'une forme sociale. Les risques d'exploitation (accidents matériels ou corporels, litiges de droit social, litiges commerciaux,…) deviennent suffisants pour exiger la limitation de responsabilité (dont ne bénéficie pas par exemple une SNC). 
Les armateurs d'un seul navire NUC sont souvent en nom personnel (EI, EIRL), certains en EURL ou SARL, forme rarement nécessaire avec un seul navire NUC.
Les armateurs de plusieurs navires utilisent toutes les formes sociales selon leur situation et mode d'exploitation.

Société d'armement de navires appartenant :

  • à la société,
  • à des sociétés tierces,
  • assez rarement à des particuliers. 

Une société d'armement de navires tiers nécessite en elle-même peu d'apports et exploite les navires pour le compte de leur propriétaire.

Au MARPRO, le gérant de cette société est souvent capitaine assurant le commandement d'un navire de l'armement.

Entreprises de Travail Maritime
Au MARPRO, elles emploient leurs marins qu'elles mettent à disposition à bord des navires de leurs clients. Les risques civils sont importants malgré l'obligation d'assurance. La responsabilité limitée est de rigueur bien qu'aucune obligation légale ne l'impose. L'apparente complexité de la comptabilité d'une SARL qui rebuterait le gérant d'une ETM serait un non-sens : L'emploi salarié de marins est tout aussi complexe et c'est le cœur de métier de ce type d'entreprise.

Il existe d'autres formes sociales. Elles sont extrêmement peu utilisées dans nos professions et alors pour des raisons totalement spécifiques aux personnes qui y prennent part.

Les erreurs à ne pas commettre

Micro-entrepreneur
À ne pas confondre avec l'option fiscale de la micro-entreprise, ou micro-BIC. Son précédent nom était "auto-entrepreneur". Cotisant obligatoirement au SSI ce statut est incompatible avec la profession de marin cotisant à l'ENIM.
Il a conduit certains à une double cotisation (ENIM et SSI) et rend la validation des temps de service impossible. Son unité de compte est l'euro, alors que celle des validations des marins est le jour. Il n'existe aucune clé de répartition de l'euro au jour et inversement. La comptabilisation des jours de service est donc impossible, fermant l'accès à certaines formations, interdisant la validation initiale des diplômes en brevet ou conduisant à la perte de validation des brevets. Ceci est souvent cause du basculement vers l'exercice frauduleux sans brevet, l'impossibilité d'assurance, le travail individuel dissimulé et la clandestinité… En outre, ce statut a d'autres inconvénients et peut rendre imposables des personnes choisissant l'option "micro-fiscale", qui ne le seraient pas autrement.

Profession libérale
Ce statut est totalement erroné, bien que mis en avant par l'incompétence de certains CFE et certaines CCI. Un marin ou un armateur est prestataire de services et n'exerce pas une profession libérale. Ce statut non commercial inadéquat de "profession exclusivement intellectuelle, technique ou de soins" (médecins, architectes, juristes, divers experts, enseignants indépendants, etc …) fait payer plus d'impôts (en option micro BNC : l'assiette de calcul de l'impôt forfaitaire est de 66% du CA (34% d'abattement du CA pour frais professionnels) à comparer aux 50% du micro BIC pour un prestataire de services). Il peut aussi conduire à cotiser à une caisse de retraite de plus, coûts supplémentaires sans utilité. Il causera des difficultés de validation, revalidation et recyclages par un décompte des jours quasi impossible. Il a aussi l'inconvénient de compliquer le droit au cofinancement des recyclages et tests de revalidation qui ne se fait plus par l'AGEFICE mais par le FIFPL.

Artisan
Ce statut est aussi erroné, lui aussi souvent proposé par l'incompétence de certains CFE et certaines CCI. L'erreur ne subsiste qu'avant la création de son entreprise par un marin ou un armateur. Un marin ou un armateur est prestataire de services et n'est pas artisan. Un artisan a d'autres obligations de qualifications professionnelles par métier, la majorité de ces qualifications sont la condition impérative à l'inscription au répertoire des métiers. Bien qu'inadaptée, cette inscription présenterait moins d'inconvénients que profession libérale.

Des marins cumulent un exercice de prestataire de service à bord de navires, avec un ou plusieurs métiers d'artisan : ils ont alors la double inscription en CCI et en Chambre des Métiers (CM). Ils ont aussi la double nécessité d'ouvrir :

  • pour leur exercice de marin : un rôle à l'ENIM (cotisations déclarées à et recouvrées par l'URSSAF Poitou-Charentes pour toute la France et DOM) 
  • et pour leur exercice d'artisan : un compte à l'URSSAF locale (SSI ou régime général selon leur forme sociale).

A connaître : un travail sur un navire au sec peut continuer de s'exercer comme marin enrôlé sur ce navire (en service à terre en principe), les expertises peuvent en être (au sec ou à la mer).

Ceci rappelle un point crucial : celui qui est à son compte est décideur de ses choix, dont il assume SEUL les conséquences. Si sa décision a été de laisser décider une administration (CFE, CCI…) à sa place, il ne pourra s'en prendre qu'à lui-même et corriger lui-même ces erreurs (ou le tenter).